Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Jonas Roisin - 22 février 2023

Du rap à l’IAC #8 : FABE

Une thématique : l’enfance et son regard sur les appartenances familiales et culturelles qui l’entoure.

Les artistes post modernes que sont les auteurs et autrices de rap nous inspirent depuis quarante ans.

J’aime leurs corpus où s’entrechoquent en poésie le réel raconté et l’enfance remémorée. Adolescents, nous sommes nombreux.ses à y avoir trouvé un style et des paroles denses sur lesquels nous appuyer, en résonnance avec nos tentatives de constructions identitaires plurielles.

L’IAC reste au contact des mutations anthropologiques qui nous affectent en post modernité, tout en accueillant les singularités de nos parcours de vie, rythmés par les attachements, les pertes et les séparations. Le nom John Bowlby sonne d’ailleurs comme un parfait pseudonyme de rappeur.

Cette série de publications est une invitation à l’écoute de l’approche clinique des rappeurs et des rappeuses sur le monde à vivre.

8ième morceau : Quand j’serai grand
Artiste : FABE

Merci pour la colère, le cynisme et l’engagement politique. Encore et toujours le souci des enfants. Offrir un avenir meilleur à ses enfants ET à ses parents, FABE et les générations…88.2

Quand j’serai grand
FABE

Ouais… c’est ça
9.8
Pour ceux qui partent et ceux qui partent pas
Mais surtout pour ceux qui partent pas
Ouais c’est ça
Hein, écoute ça

[Couplet 1]
Pour commencer : pensée pour ceux levés de bonne heure
Qui bossent dur, imposture d’une vie sans trop d’saveur
Qui bossent onze mois pour partir comme Papa
Un mois en vacances, qui économisent sinon ça passe pas !
Ceux qui passent leurs week-ends dans les parcs
Et attendent leurs vacances comme les Français que les Alliés débarquent
Quand j’étais gosse j’avais de l’appréhension, de l’ambition
J’disais par amour pas par prétention :
« Quand j’serai grand j’veux habiter à la mer, avec mon père et ma mère
Marcher dans le sable plus prendre le R.E.R… »
J’avais dix ans c’était en 81, on est en 98 frérot, j’ai pas changé d’numéro
[Refrain] x2
Quand j’serai grand j’veux habiter à la mer, avec mon père et ma mère
Marcher dans le sable plus prendre le R.E.R
Ces putains de tours j’veux plus les voir plus tard (pire que ça)
J’veux vivre autre part (mieux que ça), j’ai même une idée si tu veux savoir

[Couplet 2]
J’ai pas changé d’numéro de département seulement d’appartement
Grandi dans des quartiers, appartenant à la majorité qu’une minorité possède
Ça m’obsède comme les photos qu’ils montrent au Club Med
T’as vu le prix qu’ça coûte un billet d’avion ?
J’ai découvert la Martinique à 26 ans, j’avais pas l’air con!
Pourtant là-bas c’était chez moi à moi aussi, j’ai dû rester ici
L’été dans l’train tu peux rester assis
C’est l’avantage de pas avoir d’pognon au mois d’août, à Paris
Combien tu paries ?
Pendant qu’tu bronzes y’a des gosses qui jouent au foot en bas de chez eux
Et ils t’emmerdent, j’ai grandi comme eux !

[Refrain] x2
Quand j’serai grand j’veux habiter à la mer, avec mon père et ma mère
Marcher dans le sable plus prendre le R.E.R
Ces putains de tours j’veux plus les voir plus tard (pire que ça)
J’veux vivre autre part (mieux que ça), j’ai même une idée si tu veux savoir

[Couplet 3]
Assis sur le ciment torse nu, j’appelle un pote à la fenêtre
Une bouteille d’eau fraîche il m’a descendu
Cette année il reste ici, il était au bled l’année dernière
Et comme son père est le voisin de mon père c’est pas un milliardaire
Alors on s’promène tous les deux, on rencontre les autres
À l’époque y’avait pas trop de tox’ dans les rues maintenant ils poussent
Comme des oeufs… à Pâques. Les gosses mettent le paquet
Démarrent au quart de tour et foutent des taquets
Essaye d’attaquer, tu vas voir c’que c’est que le stress
Quand la vie t’laissse de côté, tu jalouses, tu blesses
Tu testes, tu détestes ça empeste
Dans la rue l’été y’a des flics, t’es pas à Miami et la réalité
C’est qu’on a tous à peu près vécu la même, fait les mêmes colonies
Les mêmes jeux de rôles avec les mêmes thèmes…
J’m’arrête ici dédicace aux petits en bas d’chez moi, en bas d’chez toi
À ceux qui partent et ceux qui ne partent pas