Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Jonas Roisin - 19 juin 2023

Du rap à l’IAC #11

Une thématique : l’enfance et son regard sur les appartenances familiales et culturelles qui l’entoure.

Les artistes post modernes que sont les auteurs et autrices de rap nous inspirent depuis quarante ans.

J’aime leurs corpus où s’entrechoquent en poésie le réel raconté et l’enfance remémorée. Adolescents, nous sommes nombreux.ses à y avoir trouvé un style et des paroles denses sur lesquels nous appuyer, en résonnance avec nos tentatives de constructions identitaires plurielles.

L’IAC reste au contact des mutations anthropologiques qui nous affectent en post modernité, tout en accueillant les singularités de nos parcours de vie, rythmés par les attachements, les pertes et les séparations. Le nom John Bowlby sonne d’ailleurs comme un parfait pseudonyme de rappeur.

Cette série de publications est une invitation à l’écoute de l’approche clinique des rappeurs et des rappeuses sur le monde à vivre.

11ième morceau : Hier
Artiste : GEORGIO

Secoué par l’écoute d’un jeune rappeur écorché vif quand on approche la quarantaine, se dire que le rap a changé en bien aussi. Autobiographie. Impudique. Merci Georgio pour la précision de l’introspection. Rapper la solitude de l’être en placement foyer et studio en autonomie. Écriture sauve qui peut.

Hier
GEORGIO

À tout jamais, j’me rappellerai quand on manquait d’argent
Que j’voulais rouler loin d’ma ville, apprendre sur la banquette arrière et l’siège avant
Vivre au foyer, voir tout qui s’écroule alors que j’étais jeune
Que j’avais rien demandé, j’ai vu les emmerdes qui déboulaient
J’ai vu mes parents faire des sacrifices, la honte les envahir
Les autres changeaient d’comportement, ils n’avaient rien à dire
J’ai grandi en m’disant qu’un jour j’me vengerais des euros
Par centaine de milliers quand dans la rue j’descendrais
Régler mes comptes avec le monde entier, parce que là
On t’ouvre les bras, où sont les braves qu’auraient pu nous aider?
Moi, j’laisse personne entrer dans ma vie quoiqu’il arrive en vrai
J’suis très peu récompensé, c’est rare que j’ose danser
Avec la solitude, on s’entend si bien
Des nuits noires et des jours gris ambiancés par l’transilien
J’respire la nuit quand y a plus personne dehors
Quand les gens heureux respirent corps contre corps
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais où j’vais
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais que j’m’en vais, j’m’en vais
Personne m’a ramené l’soleil quand dans ma vie il neigeait
J’m’en vais, j’m’en vais
Ouais, j’me suis fait seul, contre le courant, je nageais
Le temps n’efface pas tout, il est plutôt dévastateur
Fuir le bonheur avant qu’il s’tire souvent séparé par la peur
Je sais que j’dors bien trop près d’mes finances
Y a des blessures qui s’referment pas avec le diable, j’essaye de garder mes distances
Chez moi, on cherche pas l’amour, il nous tombe dessus par accident
J’m’évadais en musique, pas un sou pour quitter l’bâtiment
J’ai du ravaler mon ego, c’était pas donné
À Marx Do’, j’ai fini des mois grâce aux courses d’la mère de Salomé
Et sur ce point, aujourd’hui tout va si bien
Mais les relations changent et disparu, j’ai joué au magicien
J’ai mes raisons et mes torts à oublier, comme les saisons et les corps
Qu’ont remplis mes nuits quand pour le million, c’était mort
J’avais perdu tout espoir de réussir quoi qu’ce soit
Dans mon p’tit appart sous les toits, l’hiver malmené par le froid
L’été dérangé par l’soleil, la f’nêtre ouverte
En espérant que j’trouverai facilement l’sommeil
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais où j’vais
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais que j’m’en vais, j’m’en vais
Personne m’a ramené l’soleil quand dans ma vie il neigeait
J’m’en vais, j’m’en vais
Ouais, j’me suis fait seul, contre le courant, je nageais
Quand l’inattendu prend l’contrôle, j’me fais du mal et c’est trop con
J’me laisse submerger par mes émotions
Un quart de siècle dans la destruction, j’ai déjà pensé à sauter du pont
M’barrer sans nouvelles et m’couper du monde
J’me rappelle encore d’un hiver où j’ai pas vu l’jour
J’écrivais comme un fou, j’espérais qu’on m’dirait « ouais ça tue tout »
Mais même mes potes comprenaient pas pourquoi j’allais plus en cours
Pourquoi j’existais plus, j’étais mal et dans ma bulle
J’savais qu’j’y arriverai, j’me l’étais promis, au final
Peu d’choses ont changé, ouais j’ai toujours pris des gros risques, malgré ça
J’ai mis cet argent d’côté, personne peut comprendre
Mais ça m’aide à voir mes ailes se déployer, de toute manière
J’ai que cette sécurité et la musique
Plus les gens vont m’connaître, plus ils verront qu’à part le rap, j’sais rien faire
Suffit d’un rien pour qu’tout s’arrête, dans l’amour comme dans l’rap
Alors j’s’rai toujours dans ma tête, mais au moins, on m’entendra ouais
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais où j’vais
Rien n’est jamais trop simple quand on a peur d’étouffer
Si tu savais d’où j’viens, tu comprendrais que j’m’en vais, j’m’en vais
Personne m’a ramené l’soleil quand dans ma vie il neigeait
J’m’en vais, j’m’en vais
Ouais, j’me suis fait seul, contre le courant, je nageais
J’m’en vais, j’m’en vais
Personne m’a ramené le soleil quand dans ma vie il neigeait
J’m’en vais, j’m’en vais
Ouais, j’me suis fait seul, contre le courant, je nageais