Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Jonas Roisin - 24 mai 2023

Du rap à l’IAC #10

Une thématique : l’enfance et son regard sur les appartenances familiales et culturelles qui l’entoure.

Les artistes post modernes que sont les auteurs et autrices de rap nous inspirent depuis quarante ans.

J’aime leurs corpus où s’entrechoquent en poésie le réel raconté et l’enfance remémorée. Adolescents, nous sommes nombreux.ses à y avoir trouvé un style et des paroles denses sur lesquels nous appuyer, en résonnance avec nos tentatives de constructions identitaires plurielles.

L’IAC reste au contact des mutations anthropologiques qui nous affectent en post modernité, tout en accueillant les singularités de nos parcours de vie, rythmés par les attachements, les pertes et les séparations. Le nom John Bowlby sonne d’ailleurs comme un parfait pseudonyme de rappeur.

Cette série de publications est une invitation à l’écoute de l’approche clinique des rappeurs et des rappeuses sur le monde à vivre.

10ième morceau : Quand j’étais petit
Artiste : ASSASSIN

Découvrir l’album d’Assassin L’Homicide Volontaire à 13 ans, lire et relire le livret. Un nouveau monde se dessine. Si peu d’humour. Tellement écorché. S’entendre parler sa propre enfance dans la mégalopole bitumée. Merci pour la densité des textes, le regard sociologique et la conscience du politique. A 13 ans, percevoir qu’on est suffisamment grand pour entendre ces mots vu qu’ils nous sont adressés, encore merci.

Quand j’étais petit
ASSASSIN

Ma mère veillait sur mon physique
Pas de couteau ni de pistolet
Même en plastique
Suite à cette éducation j’évite le côté
Critique du moment du gangsta shit
Visant à calibrer un refrè pour un
Oui ou pour un non
Non! Moi, j’opte pour l’adolescent instruit
Pas celui qui joue les ruffnecks des té-ci
Soit le plus petit des chieurs de mon âge
Ce fut moi mes profs le savent mieux
Mon père en paya les frais et moi
Comme tous les bouffons de mon âge
Je jouais au petit con quand
D’autres jouaient aux images
Pas de bicyclette
Pas de skate-board mais juste
Un paquet de Marlboro, une garette de plus
C’est à 15 ans
Soucieux du temps et conscient que l’argent
Est un putain d’esclave mais pas
Un bon maître pour l’enfant
Que j’étais, évitant tout contact puant
Avec ces gens respectés pour
Leur statut de trafiquant
Ceux don’t les dérapages affluent
Ceux pour qui la rue ne fut une fin
Mais un moyen de prendre le dessus
J’ai appris, je sais hum me cultivais
Mais l’école ne m’a pas dit
Les médias ne m’ont pas dit
Qui j’étais, qui je suis, d’où je viens
Où je vis? Mais l’école ne m’a pas dit
Les médias ne m’ont pas dit
Qui j’étais, qui je suis, d’où je viens
Où je vis?
Plus on écrase la masse
Plus on tue la jeunesse
De moins en moins d’élèves en
Classe, le chômage s’élève
L’individu stresse!
Maîtresse dites moi pourquoi
L’insouciance de l’enfance se fait
Mash up par l’État?
Motha, motha, motha, save your child
Quand j’étais petit, je n’étais pas grand
Laisse tomber ce style de rimes
Avec mes yeux d’enfant
Je ne reconnaissais pas mes cibles
Je voulais aller au ciné voir des films
Où ça shootait, où les femmes et leurs filles
Jouaient les chiennes, j’avais soif d’extrême
A l’époque je n’avais aucune
Connaissance de notre système
Quand j’étais petit
On m’apprenait à respecter
Les grandes personnes la police
L’armée et dans l’Histoire les grands hommes
Puis la page tourne, les veines de la ville
Me montre que les corps d’État chargés
De la protection des civiles
Sont les premiers à frapper
Lors des manifestations sur les ouvriers
Les jeunes les jeunes qui ne
Veulent plus de votre éducation
L’armée m’attend toujours sous les
Drapeaux de sa nation
L’évolution du petit garçon a
Cultivé sa propre opinion
Car à 5 ans, à 8 ans, à 12 ans
Mon regard sur la vie était tout autrement
Pourtant déjà un pédiatre me suivait
Voulait en savoir plus sur ce que je disais
Voulait en savoir plus sur ce que je pensais
L’enfant est traumatisé quant il vit
Dans nos sociétés, po, po
Mais je connais mes droit’s, po, po, po
L’État n’a pas eu Teusqua, po, po
L’État n’a pas eu Djeuma, po, po ekoué!
L’État ne m’aura pas meulia
Ne t’en fais pas pour moi!
C’est le pays joyeux des enfants heureux
Des monstres gentils oui c’est le paradis
Mais maintenant que je suis grand
Je m’aperçois de la situation de la planète
Avant j’étais petit
Aujourd’hui je me connecte
Motha, motha, motha, save your child
De plus
Quand j’étais petit on ne m’a pas dit
Que la couleur de peau était un frein
Que dans ce pays la notion de profit fait le
Jeu de la bourgeoisie
Que les conflit’s de classe persistent
Et ne datent pas d’aujourd’hui
On ne m’a pourtant pas
Dit que les haut-placés
Voyaient le taux d’urbanisme accentuer
Les problèmes sociaux
L’État et moi n’opérons plus ensemble et
Quant on ment à un gosse
Normal qu’il devienne rancunier
Où tu aimes le plus manger? A McDonald
Que préfères tu à la télé?
Les armes et les femmes
Qu’est-ce que tu veux faire plus tard?
Chanteur ou voleur
Va te coucher, il est tard
Non, il n’est pas l’heure!
C’est le pays joyeux des enfants heureux
Des monstres gentils oui c’est le paradis
Mais maintenant que je suis grand
Je m’aperçois de la situation de la planète
Avant j’étais petit
Aujourd’hui je me connecte
Motha, motha, motha, save your child
La psychose infantile entretenue
Par le profil
Idéal que l’on inculque aux masses
Prévoit la reproduction des inégalités
Des classes sociales
Certains aiment les maths
D’autres aiment les balles
Certains vont voir Robocop
D’autres s’attardent quand Chomsky parle
Il y a de tout, c’est un tout
Mais pour un enfant, c’est beaucoup
Le long fleuve tranquille ne
Coulera plus tranquillement
Après le beau temps
Vient la pluie quand on délaisse ses enfants
C’est le pays joyeux des enfants heureux
Des monstres gentils oui c’est le paradis
Mais maintenant que je suis grand
Je m’aperçois de la situation de la planète
Avant j’étais petit
Aujourd’hui je me connecte