Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Bernard Garaut - 24 mai 2023

Debout sur le vent #5 – La dépanneuse

Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…

Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.

« …Humaniser la folie,

Désaliéner les lieux de soins… » claironnait  François Tosquelles !

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LA DEPANNEUSE

’Sais pas si c’est l’heure de manger, mais c’est le moment du repas !
J. sort sur le perron du pavillon pendant quelques instants silencieux, regarde et visiblement cherche.
Depuis un bon moment il ne le trouve pas.
Tous les autres enfants sont à table. André n’est pas là.
Il descend les marches et appelle :
« André !! »
De derrière le bâtiment…
« Putain J. ! Je suis embourbé, viens. »
« J’arrive. »

André : petit garçon de 9 ans accueilli en internat, aux prises avec des troubles psychiques. Visage rond, air jovial ou bien en prise avec des problèmes mécaniques… il se prend quelques fois pour un tracteur ou une pelle mécanique et se trimballe avec, sous le bras, des revues d’engins de chantier.

J. : c’est l’éducateur accueillant avec d’autres, les enfants du groupe d’enfants.
Parcours atypique… sciences po, ingénieur agronome, Éducateur Spécialisé, coureur cycliste…

André est adossé à un arbre, il attend « la dépanneuse ».
J. arrive, se met en position de marche arrière, bruite avec sa bouche le moteur de la dépanneuse et lui crie : « Accroche toi et j’avance »
André : « Vas y »
J. : re -bruitage…
Le tractage se déroule sans autres problèmes ni difficultés.
La sortie de l’ornière est une belle réussite !
André : « Merci. »
J. : « Ça y est ? On peut aller manger maintenant ? »…

Une main prend l’autre pour le chemin jusqu’à la table commune…

Sortir de l’ornière !
Vous vous souvenez ?… « humaniser la folie »…
Dans une invraisemblable connivence, générer de la tranquillité, fabriquer du hasard et être là, ne pas être sot et sourd à ce qui se révèle, se découvre, advient.
Se mouvoir en « bonheur », comme d’autres « en poésie », en territoire d’existence partagé(e)…

Tenter chaque fois de n’être pas nocif.

Ça ne ressemblerait pas à une position clinique…ça ?.

Bernard Garaut

Le bruit de son cœur dans sa tête
comme une lecture poétique de sa propre agitation
comme une constellation multicolore du sombre
la concordance du bruit du dedans
du dehors
une co–incidence.

Bernard Garaut

Pour se délivrer d’incertitude, ils défilent,
pensant qu’ils déferlent, cœurs d’enfants
dans un corps de foule.
Et toi ?

Henri Michaud « Poteaux d’angle »