Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Bernard Garaut - 8 février 2023

Debout sur le vent #3 – L’alliance thérapeutique

Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…

Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.

« …Humaniser la folie,

Désaliéner les lieux de soins… » claironnait  François Tosquelles !

——————————————————————————————-

L’ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE

« La petite Célia vient d’être accueillie à l’hôpital de jour pour enfants petits du centre de guidance infantile.

Célia est une enfant autiste.

Sans langage, regard fuyant, mimique expressive. En présence de son éducatrice, nous observons un moment très singulier, important. Elle produit un son, un cri aigu, en mettant ses mains sur ses oreilles… Le son, le bruit varie, car tantôt elle bouche les pavillons, tantôt elle desserre les mains. Cela paraît la satisfaire, la réjouir presque… Elle prolonge le son de sa voix, nous qui écoutons… Elle crie…

Le corps : l’orthophoniste dit :

“tu entends, c’est joli, tu chantes.”

L’éducatrice reprend cet aspect sensoriel auditif :

“tu entends, comme une musique.”

Ce moment de prise en compte du situationnel, du contexte en lien avec son entourage fait que l’enfant répond, sans nous regarder, et répète ce geste (mains sur les oreilles) et variation de sons (ouvert — fermé et ouvert — bouché). Puis on observe une mimique grimaçante sur son visage, plissement des paupières

“comme si” elle exprimait une sensation douloureuse. L’orthophoniste émet l’hypothèse

du “mal à l’oreille”.

Cette distinction d’abord supposée s’avère précieuse… Car l’énoncé de la fillette n’a d’intérêt que parce qu’il est inédit, créé à un moment particulier en présence de deux adultes soignantes qu’elle connaît bien.

“Tu as mal à l’oreille…”

“Aïe”

en reproduisant le geste sur mes propres oreilles…

La clinique nous apprend, nous est enseignée par le patient.

Ne pas se fier qu’à l’observation des troubles et des écarts à la norme.

Peut-être est-ce ainsi que peu à peu va se créer l’alliance thérapeutique !

RV pris chez l’ORL pour Célia : double otite à soigner en urgence… »

G S, orthophoniste

 

… dans le même temps,
la main caresse la pomme,
le pied piétine les malchanceuses
au sol…

Ce que je sais
c’est que je ne sais pas.

Bernard Garaut

 

“Je ne fais qu’en défaisant
je n’avance qu’en tournant le dos au but…”

Alberto Giacometti