Debout sur le vent #15 – CHUT
Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…
Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.
« …Humaniser la folie,
Désaliéner les lieux de soins… » claironnait François Tosquelles !
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CHUT
« …on voudrait, impuissant, que ce qui fut
n’ait pas été.» Henri Michaux
Ce jour de printemps, l’enfant, devenu le père
que tu es
laisse filer.
La matinée est déjà chaude et cette lumière
solaire tente d’éclairer, au travers de la
béance, tous nos intérieurs.
Tu ne peux dissocier les bleus marins, les
bleus aériens, ceux de l’âme.
La mer vous appartenait.
Dans ce jardin, les fruitiers sont en fleurs, les fleurs
en bouquets, les habitants des
errants, quelques fois en grappe.
Plusieurs fois, ton dos s’alourdit du regard de
l’homme du gué…
L’herbe rase de tout ce jardin est piétiné
silencieusement.
Du regard quelques fois tu t’approches de lui
mais il repart.
A chaque approche, plusieurs fois, plusieurs
fois, plusieurs fois…
L’homme du gué déambule.
Son pas est lourd, ses mains derrière son dos.
Funambule dans la prairie!
Tu le vois s’arrêter sous l’eucalyptus. Les
branches basses permettent d’y pénétrer, s’y
réfugier.
Ils se fondent.
Tu le devines. Tu le sais et le regarde.
Vos regards se croisent. Se tiennent. Se lient.
Il détourne le sien.
Se remet en marche.
Son dos c’est voûté.
La voûte est céleste / il enterre son petit fils.
Plus de trois décennies plus tard
il n’y a plus de gué il n’y a plus de rives.
La trace fera avec le guide du moment !
Non plus sur la crête des vagues devenues
désertiques mais du haut vertigineux des dunes
impensées jusqu’alors.
Il n’y a plus d’horizon.
Un jour, plus tard, il t’appellera.
Te demandera s’il peut t’écrire.
Il t’écrira.
« Des choses qui me passent par la tête » dira t il.
Il dira qu’il ne peut pas (s) imaginer, lui, cette
chose, une telle absence…
Mais il te dira qu’il est là..
Il dira même «tiens bon».
Il te demandera si c’est bien.
Tu répondras oui.
Peut être n’est ce plus une histoire de père !
Que des histoires de fils.
Entre l’espoir et l’horreur se
présente toujours une option, mais là, elle est
trop fatiguée pour la débusquer.
Zeruya SHALEV
«Stupeurs»
Où.
Comment prendre la mesure.
Le temps ne sert pas à oublier.
Peut être à retrouver le rythme.
Sûrement à mesurer.
A reconstruire.
A aménager.
Tu essayes de te nourrir de ce qui t’étonne,
plutôt que de t’en agacer…
Même s’il te paraît difficile de se remettre du
spectacle de l’innocence ravagée.
«… sortons du présent ce qu’il a d’imparfait»
écrit Francis PONGE!
B.G.