Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Lola Devolder - 29 avril 2011

Le DSM a-t-il une âme ?

C’est dans la plus pure tradition de Valladolid que des professionnels de l’hôpital de Montauban nous ont offert de penser, le 14 avril dernier, l’épineuse question du DSM (Diagnostic and Statistical Manual).

Lionel Cailhol, psychiatre, et Emmanuel Pon, psychologue, ont saisi l’occasion de la sortie prochaine du DSM-5 pour interroger la place qu’occupe aujourd’hui ce manuel dans les pratiques cliniques en psychiatrie. Loin du laconisme et des postures caricaturales imposés par les formats médiatiques, ils ont imaginé une journée d’étude, sur le mode de la célèbre controverse, afin que les différents points de vue puissent être exposés, les enjeux débattus, les présupposés discutés.

Le pari est réussi. Près de 200 personnes, toutes aussi intéressées et animées les unes que les autres, se sont massées dans l’ancien collège de Montauban pour entendre et participer à ces débats de haut vol.

La journée commence par une présentation historique de la classification américaine des troubles mentaux, par son traducteur français Julien-Daniel Guelfi, et par une histoire critique de la psychiatrie, soutenue par Gérard Pirlot. Les bases sont alors posées pour que débutent les discussions à propos de l’athéorisme revendiqué du DSM, des méthodologies statistiques employées, de la césure entre recherche et pratique.

Ces débats trouvent ensuite prolongement dans les synthèses présentées par les professionnels. En effet, des groupes de travail pluridisciplinaires, qui planchaient sur le sujet depuis plusieurs mois, présentent leurs points de vue sur l’objet DSM, en fonction de leurs besoins de terrain : les uns considérant l’outil, efficace dans sa possibilité diagnostique et nécessaire à la prescription ; les autres dénonçant l’objet-même, pathologisant, et craignant un dévoiement de leurs pratiques du soin par l’automatisation d’un discours normé, normatif et normalisant.

Enfin, et c’est le « clou » de la journée, Rémi Klein et Emmanuel Pon s’affrontent amicalement dans un plaidoyer respectivement « pour » et « contre » l’utilisation des classifications internationales en pratique clinique. Là encore, l’ouverture d’esprit des intervenants et du public présent permet des échanges libres bien que clairement clivés : la preuve s’oppose à la cause échappée, le pragmatisme d’une inter-langue à la richesse de la polyphonie, la rationalité scientifique au désir du sujet.

Un esprit taquin dirait que les orientations théoriques affichées ont mis au jour des positions idéologiques irréconciliables pour lesquelles le DSM fait symptôme !

Peut être d’aucuns s’en sont retournés tourneboulés, sans doute la plupart ont affirmé d’autant leur conviction de départ. Mais cette journée, définitivement placée sous le sceau du dialogue intellectuel et de la convivialité, a assurément permis à chacun de crédibiliser sa position aux yeux de l’autre. L’échange a donc eu lieu.

 

P.S. : Au fait, nul n’eut prétendu passionner autant les foules avec un sujet si difficile. À croire que la dureté des temps des secteurs sanitaire et social encourage la réflexion collective…