Anthropologie sémiotique

La construction de l’anthropologie clinique repose pour son fondement anthropologique sur la dimension sémiotique de l’humain ouverte par le philosophe allemand Ersnt Cassirer (Séminaire 4). L’anthropologie sémiotique est un champ de recherche interdisciplinaire dont les travaux trouvent à se fédérer dans l’espace intégratif des « sciences de la culture ».

L’anthropologie sémiotique explore la manière dont les humains produisent et interprètent du sens à travers des formes symboliques, des pratiques langagières et des expériences subjectives. Cette approche, à la croisée de la philosophie, de la linguistique et de l’anthropologie, a trouvé dans le travail transdisciplinaire de Jean Lassègue, Victor Rosenthal et Yves-Marie Visetti une synthèse programmatique inspirante pour le projet de l’anthropologie clinique (Lassègue J., Rosenthal V. et Visetti Y.-M., 2009).

L’anthropologie sémiotique, à la suite d’Ernst Cassirer, considère les formes symboliques comme des structures dynamiques qui émergent dès qu’une pratique humaine devient un enjeu social. Ces formes (langage, mythe, science, technique, esthétique, économique, politique…) stabilisent des valeurs collectives et permettent l’accès au sens en assurant la cohérence entre signification et cadre d’interprétation (Lassègue J., 2016). Elles ne sont ni de simples cadres théoriques, ni des discours sur les pratiques, mais des opérateurs instituants qui façonnent la manière dont nous produisons et partageons du sens.

La théorie des formes sémantiques (TFS) qui s’intéresse à la manière dont le sens apparaît à partir de la langue, propose de dépasser la dualité entre perception concrète et abstraction, en considérant toute perception comme sémiotique dès l’origine. Le modèle TFS qui s’articule autour de trois phases du sens : motif, profil et thème, permet de comprendre comment les mots, loin d’être de simples étiquettes, sont porteurs de halos de sens et de potentialités métaphoriques, ouvrant la voie à une approche dynamique et contextuelle des catégories et des classifications en anthropologie (Cadiot P. et Visetti Y.-M., 2001).

Enfin, Victor Rosenthal a mis en lumière l’importance de la voix intérieure comme espace d’institution de la vie psychique et sociale (Rosenthal V., 2019). Cette parole intime, que le sujet s’adresse à lui-même, joue un rôle clé dans l’articulation entre l’individuel et le collectif. Elle mobilise la langue commune, porteuse de normes et de valeurs culturelles, tout en étant le vecteur de l’intériorité et de la subjectivité. La voix intérieure apparaît ainsi comme un point nodal où se nouent les dynamiques du sens, de la socialité et de la subjectivation (Rosenthal V.,2012).

L’anthropologie sémiotique, en articulant formes symboliques, dynamique du sens et expérience subjective, propose un cadre théorique pour penser la diversité des pratiques humaines et la constitution du sens, tant au niveau collectif qu’individuel (Escots S.,2020).

Elle offre ainsi à l’anthropologie clinique des outils pour analyser la complexité des phénomènes humains et favoriser le dialogue interdisciplinaire autour des structures de sens implicites à toute expérience humaine.

Les travaux en sémiotique clinique comme l’étude de la double contrainte et des paradoxes en thérapie familiale et le séminaire « anthropologie clinique en construction » (Séminaire 10) sont avec la publication d’articles des opportunités de poursuivre l’étude & la recherche en anthropologie sémiotique (Escots S. 2016)

Médiagraphie

Séminaire 4 : Quelques remarques sur l’anthropologie sémiotique.
Jean Lassègue, philosophe, anthropologue et épistémologue est directeur de recherche CNRS au Centre Georg-Simmel (EHESS).

Lassègue J., Rosenthal V. et Visetti Y.-M., « Économie symbolique et phylogenèse du langage », L’Homme, 2009/4 vol. 192 : 67-100.

Lassègue J., Ernst Cassirer, du transcendantal au sémiotique, Vrin, 2016.

Cadiot P. et Visetti Y.-M., Pour une théorie des formes sémantiques : Motifs, profils, thèmes, (PUF), 2001.

Rosenthal V., Quelqu’un à qui parler: Une histoire de la voix intérieure, PUF, 2019.

Rosenthal V., « La voix de l’intérieur », Intellectica, 2012/58 vol. 2 : 53-89.

Séminaire 10 : Application sémiotique en psychothérapie systémique : double contrainte et sens. Utiliser la sémiotique en thérapie.
Serge Escots, Docteur en anthropologie, psychothérapeute, consultant en pratiques médico-sociales, chercheur en sciences sociales.

Escots S., Anthropologie sémiotique des psychotropes. Pour une formalisation du sens de leurs usages, Thèse de doctorat, EHESS, 2020.

Escots S., « Sémiotique et psychothérapie ; à propos de quelques aspects liés à l’interprétation. », Degrés, 2016/166-167.