iac - 22 avril 2020
L’iac enrichit son catalogue d’une formation longue à la thérapie familiale :
728 heures réparties en 2 cycles de 2 ans
3 certifications : Intervention systémique et contextuelle ; Thérapie et intervention contextuelles ; Thérapie de couple et de famille
Responsable pédagogique : Serge Escots, Catherine Ducommun-Nagy
Formateurs et formatrices : Serge Escots, Wilfrid Magnier, Catherine Ducommun-Nagy, Jean Claude Maes, Lola Devolder
— Cette formation de thérapeute de couple et de famille répond à cinq exigences :
— Cette formation permet au professionnel de certifier des compétences dans l’intervention systémique et au travail avec les familles (premier cycle de deux ans) et de pouvoir prétendre à l’adhésion à l’Association Européenne de Thérapie Familiale (EFTA) en poursuivant par un second cycle de deux années spécifiquement consacrées à l’approfondissement de la formation du ou de la thérapeute familial·e.
— L’importance du modèle contextuel en thérapie familiale et ses affinités avec l’anthropologie clinique nous conduisent à proposer à l’intérieur des 2 premières années années de formation en thérapie familiale, un module spécifique d’intégration des processus de la thérapie contextuelle (Boszormenyi-Nagy, Ducommun-Nagy) à l’intervention systémique et à la psychothérapie familiale.
— Le premier cycle de deux ans (janvier 2021 – décembre 2022) permet d’acquérir les bases de l’intervention systémique et contextuelle, par l’étude des principaux concepts, modèles et par l’entrainement aux techniques et outils utilisés en thérapie familiale systémique et contextuelle. La validation du cycle fait l’objet d’un travail écrit centré sur l’intégration des apports théoriques et des pratiques systémiques et contextuelles à l’exercice professionnel de l’étudiant·e.
— Ce premier cycle intègre un module spécifique dédié à l’approche contextuelle : Thérapie et intervention contextuelles et leurs applications dans les champs éducatifs, sociaux et médico-sociaux qui permet à l’étudiant·e d’acquérir les bases de l’intervention systémique et contextuelle, par l’étude des principaux concepts, modèles et par l’entrainement aux techniques et outils utilisés en thérapie familiale systémique et contextuelle. Il fait l’objet d’une certification spécifique et complémentaire.
— Le deuxième cycle de deux ans (août 2023 – juillet 2025) approfondit les apports du premier cycle. Il vise à consolider la posture, le style, la technique et l’éthique du thérapeute, à s’approprier une pratique clinique auprès des couples et des familles, notamment par les possibilités de cothérapie. La dernière année de ce deuxième cycle est consacrée à la supervision directe de thérapies de couple et de famille menées par les étudiant·e·s. La validation de ce deuxième cycle fait l’objet d’un travail écrit de compte rendu de thérapie menée par l’étudiant·e.
— L’offre de formation de l’institut d’anthropologie clinique s’appuie sur les fondations des théories de la communication (Palo-Alto) ainsi que des modèles : structural (Minuchin), expérientiel (Whitaker), contextuel (Boszorményi-Nagy). La démarche de l’anthropologie clinique intègre les dimensions anthropo-psycho-pathologiques individuelles (Lacan, Schotte, Duruz-Escots) et relationnelles dans le cadre de la théorie de l’attachement (Byng-Hall, Delage). Le cadre épistémologique de la formation inscrit la pratique d’intervention et de psychothérapie dans l’évolution des différentes cybernétiques : théorie des systèmes et de la communication (Bertalanffy, Bateson), constructivisme (Varela, Ausloos, Elkaïm) et constructionisme social (Gergen, Sluzki), pour aller vers une 3eme cybernétique des systèmes humains envisagés comme sémiotiques (Escots, Maes). L’intégration de la perspective sémiotique ouvre un cadre théorique propice aux pratiques narratives en psychothérapie (Ricœur, Tomm, White-Epston).
Pourquoi une nouvelle offre de formation longue en thérapie familiale ?
La thérapie familiale continue de faire l’objet d’une demande croissante tant dans les secteurs sociaux et médico-sociaux que dans les secteurs de la santé. De nombreuses lois en France ont rappelé l’impérieuse nécessité de prendre en compte la famille et l’entourage dans l’accompagnement ou la prise en charge de l’enfant ou de l’adulte. Les professionnel·le·s perçoivent de mieux en mieux l’intérêt d’associer les familles et l’entourage au projet éducatif, social ou de soins. Ces évolutions contribuent au développement des thérapies familiales et des interventions écosystémiques. Toutefois, la thérapie familiale doit faire face à plusieurs défis sur plusieurs fronts. Quels sont-ils ?
Le défi des modèles intégratifs en thérapie familiale
Comme tous les dispositifs psychothérapeutiques, la thérapie familiale propose différents modèles souvent complémentaires parfois concurrents. Cette pluralité de modèles est le résultat de la construction historique de son champ avec plusieurs écoles et témoigne aussi de la vitalité de ses praticiens. Dans la pratique, on rencontre deux cas de figure : soit une offre de formation centrée sur un seul modèle, soit des propositions éclectiques qui juxtaposent différents éléments empruntés à différentes écoles.
L’inconvénient de la première formule se trouve dans les limites rencontrées par le choix d’un seul modèle qui ne peut prétendre offrir autant de possibilités que plusieurs. En revanche, le modèle unique présente l’avantage de la cohérence de l’approche et de la qualité d’une expertise approfondie.
La démarche éclectique au contraire étend les possibilités d’intervention par le foisonnement des concepts et des outils empruntés à chaque école. Mais la juxtaposition des modèles en thérapie familiale fait courir le risque à l’étudiant·e de se perdre dans l’appropriation de modèles qui s’avèrent parfois contradictoires. Il y a par conséquent un défi pour les thérapeutes et les enseignant·e·s en thérapie familiale à bâtir des cadres théoriques et cliniques capables d’intégrer différents modèles dans un ensemble conceptuel qui pense leurs articulations. C’est notamment le cas en ce qui concerne l’intégration des modèles dits de première et de seconde cybernétique en thérapie familiale.
Première et deuxième cybernétique, de quoi s’agit-il ?
La thérapie familiale est apparue dans les années cinquante aux USA sous l’impulsion de psychiatres formés aux modèles psychodynamiques qui intégrèrent la théorie des systèmes à leurs travaux et par le groupe de Palo Alto qui développa des travaux sur la communication pathologique et thérapeutique à partir du programme de recherche ouvert par l’anthropologue Gregory Bateson. Ces travaux novateurs à l’époque s’appuyaient sur un ensemble de concepts scientifiques connu sous le nom de cybernétique. Cette première cybernétique mettait l’accent sur les processus relationnels à l’œuvre dans les troubles mentaux et de la communication. Au tournant des années quatre-vingt, une critique de la première cybernétique s’est imposée en faisant fort justement remarquer qu’il était impossible de décrire les processus relationnels sans que l’observateur (thérapeute) ne s’inclue dans la description. Effectivement, thérapeute et famille créent un nouveau système dans lequel les processus relationnels décrits dépendent autant de la famille que du thérapeute. Mais dans la pratique concrète, faute de résoudre ce problème épistémologique, nous assistâmes à deux attitudes. D’une part, celle de thérapeutes qui en rejetant la première cybernétique se coupaient des apports des fondateurs de la thérapie familiale, appauvrissant considérablement leurs ressources d’intervention. D’autre part celle de thérapeutes qui se réclamant de la seconde cybernétique, n’en continuaient pas moins à utiliser les hypothèses de la première, au prix d’un clivage épistémologique qui rend parfois les positionnements cliniques peu lisibles. Comment tenir une posture clinique inscrite dans une cybernétique qui inclut l’observateur sans se couper de la possibilité d’effectuer des descriptions qui objectivent les processus cliniques observés ? Il s’agit ni plus ni moins de la question du statut scientifique de la psychothérapie qui ne ferait pas l’impasse sur la subjectivité du thérapeute.
Le défi d’une cybernétique de troisième ordre
La sémiotique comme discipline scientifique qui se donne pour objet de comprendre les conditions et les processus « de sens » semble légitime pour fournir aux intervenants et aux psychothérapeutes des concepts et des outils pour penser et analyser les situations thérapeutiques ou d’interventions sociale, pédagogique ou éducative. La sémiotique nous donne les moyens de penser sans discontinuité « ce qui se passe » dans le système observé et dans le système observateur. Grâce à son système de formalisation, la sémiotique nous permet de sortir concrètement de la double contrainte de la première et de la deuxième cybernétique dont nous venons de parler. Car la sémiotique nous donne les moyens de rendre objectivables les phénomènes de subjectivité inhérents à la psychothérapie. La première cybernétique s’intéresse à la signification inhérente aux différents états du système observé, alors que la deuxième s’intéresse aux significations qui permettent au système observateur d’observer le système observé. La sémiotique dépasse cette double contrainte puisque la question n’est plus de savoir quelles sont les différentes significations à l’œuvre tant dans le système familial que chez le thérapeute, mais la manière dont ces significations font sens. La sémiotique ouvre la voie à une troisième cybernétique celles des systèmes humains comme système « du faire sens ».
Le défi d’une lecture psychopathologique en thérapie familiale
La place d’une lecture psychopathologique des phénomènes cliniques en thérapie familiale est un autre défi. Là aussi pour des raisons historiques, différents courants des thérapies familiales tiennent à distance les questions nosologiques. Soit pour des raisons techniques et pratiques : la lecture psychopathologique existe, mais elle est considérée comme handicapante dans le cadre du travail avec la famille car elle ne permettrait pas de mobiliser le patient et sa famille. Soit pour des raisons épistémologiques en postulant que les troubles psychopathologiques ne sont que des constructions sociales.
Dans la première situation, le thérapeute doit cliver la réalité clinique rencontrée. Il y a d’une part les signes psychopathologiques qu’il doit tenir à l’écart pour pouvoir travailler d’autre part avec les processus relationnels. Dans la deuxième situation où les manifestations psychopathologiques sont considérées comme des constructions sociales, il y a manifestement confusion entre deux catégories de phénomènes, certes liées mais bien distinctes. Se trouvent ainsi confondus, la dimension sociale propre à toute catégorisation tributaire de l’histoire et le réel des manifestations de la souffrance psychique propre à l’humain. Les manifestations psychopathologiques sont un fait anthropologique, les façons de les caractériser dépendent des contextes socio-culturels où on les caractérise. Intégrer à la perspective écosystémique, une lecture psychopathologique des troubles que les membres d’une famille rencontrent permet d’activer d’autres ressources en complément du travail relationnel indispensable. À une époque où la psychiatrie neuroscientifique étend son influence tant chez les spécialistes que dans un large public, il est essentiel pour l’avenir de la thérapie familiale d’intégrer la question de la psychopathologie sans réduire les sujets à des classifications aliénantes, et sans nier la dimension réelle des manifestations psychopathologiques.
Le défi des neurosciences
Autre défi encore, comment les thérapeutes de famille peuvent-ils articuler les apports des neurosciences à leurs corpus théoriques ? Il paraît peu crédible de ne pas intégrer les apports des travaux des neurosciences à nos conceptualisations systémiques et relationnelles et à nos pratiques cliniques. Ainsi, parmi les thérapeutes de familles, des cliniciens de plus en plus nombreux suggèrent que la théorie de l’attachement pourrait être un candidat sérieux pour faire le pont entre neurosciences, clinique intrapsychique et théories systémiques. L’intégration des théories de l’attachement au corpus théorique et clinique des thérapies familiales est un défi épistémologique et pratique majeur pour les thérapeutes et les formateur·trice·s.
Mais les apports des neurosciences ne sauraient se limiter à cela. Les travaux sur l’empathie, les mémoires, l’apprentissage, le développement de l’enfant, les traumatismes, le sens, la communication sociale, l’activité cérébrale impliquée dans les troubles psychopathologiques ou les nouvelles techniques de soin comme parmi d’autres le neurofeedback, devraient mobiliser l’intérêt des thérapeutes familiaux.
Le défi de la psychanalyse
Enfin, défi aussi ancien que la thérapie familiale elle-même : comment penser une clinique systémique qui n’exclue pas les apports de la psychanalyse ? Bien souvent, des cliniciens d’orientation psychanalytique se forment à la thérapie familiale en désapprenant ce qui les a construits. Parfois en clivant voire en reniant leurs savoirs ou leurs identités. S’il était nécessaire à la création des thérapies familiales de délimiter leur territoire et de fonder leur identité par une opposition polémique à la psychanalyse déjà installée dans le paysage, 70 ans plus tard, le problème qui se pose aux thérapeutes familiaux est tout autre. Or aujourd’hui encore, les clivages entre modèles systémiques et psychanalytiques restent prégnants au niveau des écoles, mettant les jeunes professionnels dans des positions inconfortables où ils doivent renoncer aux apports psychanalytiques ou se priver des apports des thérapies familiales.
L’anthropologie clinique pour relever ces défis
L’anthropologie clinique qui fonde le socle épistémologique de notre proposition de formation en thérapie familiale se consacre depuis près de 20 ans à relever ces différents défis. Aussi, cette formation longue en thérapie familiale permet à l’étudiant de trouver un cadre conceptuel et clinique qui lui offre la possibilité de s’approprier les principaux modèles qui ont fondé le champ des thérapies familiales nées dans le mouvement de la première cybernétique tout en apprenant à s’utiliser dans les systèmes où il·elle intervient dans le respect des postulats de la deuxième cybernétique. Il·elle trouvera aussi une réflexion épistémologique lui permettant de prendre en compte les données psychopathologiques dans une perspective anthropologique qui ne réduit pas le patient aux différents modes de classification des troubles mentaux. Enfin, en proposant de tenir ensemble et de façon articulée les apports des neurosciences, des théories de l’attachement, de la psychanalyse et des modèles systémiques, l’anthropologie clinique offre au thérapeute familial un cadre à la fois cliniquement souple et scientifiquement rigoureux pour trouver son style propre et inventer le cadre qui convient à sa pratique.