Bernard Garaut - 24 septembre 2024
Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…
Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.
« …Humaniser la folie,
Désaliéner les lieux de soins… » claironnait François Tosquelles !
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ENFANCE
« Les derniers morceaux de cette enfance se détachent
de moi comme les lambeaux d’une peau brûlée par le soleil
et dessous se dessine une fausse et improbable adulte. »
Tove Ditlevsen
À chacun sa poudreuse !
La sienne était automnale et son terrain d’aventure la route
pour arriver jusqu’à Elle.
Dès la descente du car il s’y enfonçait jusqu’aux genoux et
chaque fois cette jubilation.
Commençait alors sa randonnée, buste en avant, face à ce
blizzard…
Faut dire que son imaginaire était déjà bien venté!!!
Agité.
Ses pensées, tout simplement.
Mais cette échappée là gardait encore quelque chose de
ludique.
Et de tranquille.
Il se retournait tous les quelques pas, regardant la trace
laissée, sa trace, en traînant les pieds, dans ce monceau de
feuilles de platanes recouvrant la route…
Jusqu’à ses genoux de l’enfant de 7 ans qu’il était.
Le pas régulier produisait un bruit.
Régulier lui aussi.
Scandant sa marche.
Il n’avait pas besoin de lever la tête, le regard pour savoir
où aller.
La retrouver.
Mais ce voyage en solitaire nourrissait déjà les prémisses
d’un ailleurs, vraisemblablement.
L’ailleurs de La retrouver.
Aller ailleurs et être ici.
Être ailleurs.
Avec cette certitude que c’était possible.
Un lieu où il savait qu’elle le savait.
Son regard, comme son silence, comme ses mots, sonnaient
juste.
Revenir là, au même endroit.
Retrouver et pourtant redécouvrir ce même endroit.
Chaque fois.
Et avec la tendresse nourrie de celle qu’elle lui témoignait
IL avait l’impression « que son coeur ouvrait ses bras »
comme le chante Brel.
Il n’était plus en panne. Réparé !
Quelques fois, il restait immobile. Assez longtemps.
Pour que ça dure. Que ce moment de grâce ne disparaisse
pas…
Vous savez bien, cette pensée magique.
Toujours cette idée de créer du bonheur…
Alors il redressait le buste, la tête, le corps.
L’impatience accélérait son pas et transformait la rude
randonnée en course effrénée.
« Les pieds au ciel,
semelles au vent…
Debout sur le vent. »
A. du Bouchet
L’air sentait la réglisse, les châtaignes grillées, l’odeur du
savon blanc, cette pierre cubique qui servait à tout laver de
la laideur du monde.
« Le poids de l’habitude n’était plus un fardeau. »
(Saint Augustin)
Il est tellement doux de regarder les enfants
être, vivre, penser à haute voix, nous embarquant dans leurs
voyages imaginaires.
Et peut-être est-ce salvateur pour eux, nous, de ne pas se
transformer en briseur d’illusions, de rêves.
« Je parcours mon carnet de poésie, tandis que la
nuit passe son chemin derrière la vitre et qu’à mon insu
l’enfance tombe sans faire de bruit aux tréfonds de ma
mémoire, cette bibliothèque de l’esprit où je puiserai
expérience et connaissance tout le reste de ma vie. »
Tove Ditlevsen
B. G.